L'art de Sandrina Rocha, un voyage entre l'âme humaine et la nature.
Crédit Aude Lemaitre
Sandrina Rocha, artisane d’art, allie tradition et innovation dans des créations uniques qui célèbrent la nature. Basée à Lyon, elle conçoit des pièces d'art, de décoration et de mode haut de gamme, entièrement fabriquées à la main avec des procédés respectueux de l'environnement. Chaque création naît d'une recherche minutieuse : des teintures artisanales réalisées à partir de plantes, fleurs, minéraux ou même de déchets alimentaires, une palette de couleurs évoluant au rythme des saisons, et une sélection soigneuse de fibres naturelles et de textiles anciens, chargés d’histoire. Sandrina transforme ces matières en œuvres intemporelles, aux formes abstraites et aux compositions organiques, évoquant des paysages imaginaires.Chaque pièce raconte une histoire, un voyage entre l’âme humaine et la nature, fruit d’un héritage familial précieux et d’une quête passionnée de beauté.
Rencontre avec Sandrina
Peux-tu nous raconter ton parcours et comment tu as décidé de transformer ta passion en activité professionnelle ?
Créer de mes mains a toujours été une évidence. Enfant, je rêvais de devenir artiste, de façonner la matière, de jouer avec les couleurs et les textures. Pourtant, la vie m’a d’abord menée sur une voie plus pragmatique : celle du prêt-à-porter. J’ai commencé comme vendeuse, évoluant dans cet univers où l’esthétique et le style avaient leur place, mais sans jamais retrouver totalement ce besoin viscéral de création.
Pendant des années, j’ai évolué dans cet univers, conservant toujours une part artistique à travers le chant, la photographie et le stylisme. Mon cercle d’amis, composé d’artistes et de créatifs, m’a permis de rester connectée à cet univers qui me faisait vibrer.
C’est lors de ma première grossesse que tout a pris un tournant. Le besoin de créer avec mes mains est revenu avec force, me poussant à explorer des techniques artisanales ancestrales comme le tissage et le macramé. Ce fut une révélation. En 2016, portée par cette passion naissante et l’envie d’entreprendre, je décide de fonder Woola La !, une marque qui incarne mon amour pour le travail des fibres et le fait-main.
Très vite, je prends conscience de mes aptitudes : le geste précis, la patience, la sensibilité aux matières et aux textures. Cela nourrit mon âme et éveille en moi une curiosité insatiable pour le savoir-faire artisanal. J’apprends en autodidacte, expérimentant sans relâche de nouvelles techniques. En parallèle, je me frotte aux défis, j’apprends sur le tas, parfois malgré moi la gestion d’une entreprise, même à petite échelle.
Crédits Aude Lemaitre
Quelles ont été les principales difficultés que tu as rencontrées en tant qu’entrepreneure ?
En tant qu’entrepreneuse créative, j’ai dû jongler avec des aspects pratiques, parfois loin de mon domaine initial, mais indispensables pour faire vivre mon projet.
En dehors de l’aspect artisanal de mon entreprise, j’ai dû apprendre à gérer tout ce qui concerne son fonctionnement, et cela n’a pas été simple. Fixer mes prix et savoir si un produit est réellement rentable a été un véritable casse-tête. Il ne s’agit pas seulement d’additionner le coût des matières premières, mais aussi de prendre en compte le temps passé, les charges, et tous les frais annexes.
Ensuite, j’ai dû me confronter à l’administratif et la comptabilité, des domaines qui m’étaient totalement étrangers. Établir des bilans de fin d’année, des prévisionnels, suivre les dépenses et les recettes, tout cela demande de la rigueur et de la régularité. Être constante dans la tenue des comptes n’a pas été facile, mais j’ai compris que sans cette discipline, il est impossible de piloter une entreprise de façon sereine.
J’ai appris sur le tas, souvent en me trompant, mais avec le temps, ces compétences sont devenues essentielles pour assurer la viabilité et la pérennité de mon projet.
Crédits Solenne Jakovsky
Crédits Marine Bariand
Comment as-tu appris à gérer ces aspects ? As-tu été accompagnée ou formée ?
Au fil des années, j’ai suivi plusieurs formations sur des sujets variés : relations presse, fixation des prix, marketing, création de site web, référencement, mise en place d’une newsletter… J’ai aussi investi dans des abonnements à des collectifs d’entrepreneuses, qui offrent un accès régulier à des ateliers et ressources.
Toutes ces formations ont été précieuses, elles m’ont permis d’acquérir des compétences essentielles pour faire évoluer mon entreprise. Mais j’ai aussi réalisé qu’il faut faire attention à ne pas trop se former.
À force d’accumuler les apprentissages, on peut finir par saturer, remettre sans cesse en question ce qu’on fait, et repousser l’action. Se former, c’est bien, mais il faut aussi savoir appliquer, tester et avancer sans attendre d’avoir toutes les réponses.
« Donner du sens à chaque pièce, c’est aussi permettre à ma clientèle de s’approprier mon engagement. »
Comment définis-tu ton positionnement sur le marché de l’artisanat ? (Valeurs, public cible, différenciation…)
Je me positionne entre artisanat d’art et design, en créant des pièces textiles qui couvrent deux univers : la mode et la décoration.
Quelle importance accordes-tu à la communication et au branding dans ton activité ?
De nos jours, la communication est une part essentielle d’un business, et je pense même qu’elle peut être plus importante que le produit lui-même. Créer l’attente, teaser la sortie d’un produit, d’une nouvelle série ou d’un service, c’est un levier marketing puissant que je vois très bien fonctionner ailleurs. Mais cela demande un vrai travail en amont, presque un storyboard… et je n’en suis pas encore là. J’ai encore du mal à produire du contenu de manière régulière et stratégique.
En revanche, l’esthétique sur mes canaux de communication a toujours été une priorité. Dès le lancement de mon entreprise, j’ai soigné mon image de marque : logo, charte graphique, harmonie des couleurs… J’ai construit cet univers visuel avant même d’affiner mon positionnement. Certains diront qu’il faut d’abord définir son “pourquoi”, sa cible et son modèle économique. C’est vrai, mais soyons honnêtes : une identité visuelle forte attire et donne envie. L’esthétique, c’est aussi un langage.
Fin 2023, j’ai amorcé un changement de nom de marque, passant de Woola La ! à mon nom propre Sandrina Rocha. Ce choix s’est imposé naturellement avec l’évolution de ma pratique.
À l’origine, Woola La ! faisait écho à mon travail du tissage et de la laine. Mais avec le temps, mes explorations ont pris une autre direction, notamment avec la teinture végétale et d’autres supports textiles. Ce nom ne correspondait plus vraiment à mon univers actuel.
Passer à mon nom propre, c’était aussi affirmer davantage mon identité artistique. Pour un créateur, signer de son nom permet une plus grande liberté et une reconnaissance plus directe dans le milieu de l’artisanat d’art et du design.
Changer de nom quand une marque est déjà un peu installée comporte des risques : perdre en visibilité, devoir reconstruire une identité… Mais j’ai fait ce choix en conscience, convaincue que cette transition me permettra de mieux incarner mon travail et d’ouvrir de nouvelles perspectives.
Crédits Rachel Saddedine
As-tu des projets de développement ou d’évolution (collaborations, diversification…) ?
Ma pratique est en constante évolution, portée par l’infinie richesse de la teinture végétale. Entre la diversité des plantes tinctoriales et la multitude de techniques à explorer, il reste encore un vaste champ de savoirs à découvrir. Chaque matière interagit différemment avec la couleur, chaque bain de teinture est une alchimie unique.
Actuellement, je mène des recherches sur la teinture du cuir, un nouveau terrain d’expérimentation. Ce travail demande une approche rigoureuse, depuis l’étude du matériau jusqu’à son approvisionnement, en passant par l’exploration des interactions entre la matière et les techniques de teinture.
Dans mon développement, je souhaite aller plus loin en collaborant avec des prescripteurs et des galeristes, afin de donner à mon travail une dimension plus artistique. J’aspire à créer des pièces d’exception en m’associant avec d’autres artisans, à apprendre de ces échanges et à pousser toujours plus loin l’exploration des savoir-faire. Ces collaborations ouvrent de nouvelles perspectives et nourrissent ma recherche, me permettant d’imaginer des créations inédites et audacieuses.
« Le geste précis, la patience, la sensibilité aux matières et aux textures. Cela nourrit mon âme et éveille en moi une curiosité insatiable pour le savoir-faire artisanal. »
Comment fais-tu pour concilier rentabilité et engagement (éthique, éco-responsabilité, transmission…) ?
Pour concilier éthique et viabilité économique, je veille à fixer des prix justes et cohérents. L’éco-responsabilité implique des coûts : matières premières durables, production locale, temps de travail artisanal… Il est donc essentiel de valoriser ces choix dans le prix de vente et de communiquer sur ma démarche pour sensibiliser et justifier ces tarifs.
Afin d’éviter la surproduction, je crée uniquement des pièces uniques ou en petites séries. Tous mes tissus sont soigneusement sélectionnés à partir de stocks dormants ou vintage, privilégiant ainsi le réemploi et la durabilité.
Pour assurer un modèle économique stable, je diversifie mes sources de revenus en proposant des ateliers de transmission. En parallèle, mon ambition est de développer des commandes sur-mesure et des collaborations avec des architectes et des éditeurs d’objets, afin d’inscrire mon travail dans des projets uniques et valorisants.
Enfin, un produit engagé ne peut être rentable que si sa valeur est perçue. C’est pourquoi je mets un point d’honneur à raconter mon processus de création, à expliquer la qualité du travail artisanal et à créer du lien avec ma communauté. Donner du sens à chaque pièce, c’est aussi permettre à ma clientèle de s’approprier mon engagement.
Merci Sandrina d’avoir répondu à mes questions !
Retrouvez son univers et ses créations sur son site internet et suivez son actualité sur son compte Instagram.
Myrtille.